NAMGYAL TEMPLE

Publié le par AB

fleurs d'offrandes

 

28 aout 2010. Dharamsala.


Sa Sainteté le Dalaï-Lama du Tibet  donne des enseignements comme chaque année à cette période de fin de mousson, depuis le MAIN TEMPLE,  ou Namgyal Temple, de la résidence du gouvernement en éxil, le Tsu-Lha-Khang.

Il faut descendre le long de la crête depuis Mac Leod Ganj ou Dharamsala Haut pour s'y rendre, évidemment par... Temple road. Avec de tels noms de rues, que voulez-vous, moi je sais que je ne suis pas perdue !

Tout le long du chemin s'échelonnent les marchands indiens et tibétains, riches de trésors antiques tous droit sortis de monastères et ermitages dont eux-mêmes ne savent ou ne peuvent dire le nom. On est en droit de se demander à quelle sorte de trafic on a à faire tant les pièces paraissent avoir servi aux pèlerins d'une autre époque ainsi qu'à des maîtres du tantrisme le plus secret. On trouve là des objets dont la valeur en est la personnalisation des plus visibles et touchante, l'usure acquise à passer entre les doigts ou dans les poches, par l'érosion des prières tant de fois formulées, par le décapant pouvoir des rituels ! Ces sceptres faits d'os humains (j'opte pour de vieux fémurs pour ceux que les détails anatomiques concernent...), sont enluminés de turquoise et de corail, manchonnés de cuivre ciselé, et sont connus me semble-t-il pour servir aux rituels de Dzögchen ou tantrisme Nyingma-pa, au cours desquels on fait face à son propre ennemi pour mieux le terrasser, on parle de la mort bien entendu. Les petits bouddhas cerclés de cuir avec une cordelette ne sont tannés que de ferveur, de taille à entrer dans la paume de la main pour prier en voyage. Les chapelets décolorés entre le pouce et l'index, les coffrets à reliques encore scellés, les dossiers en bois sculpté pour les textes... Ils auront appartenu a un nomade ou a un moine traversant les hauts plateaux pour se rendre à un enseignement. Les acquérir à vil prix parmi boucles d'oreilles et autres portes-clefs me semble inconcevable même. J'en ressens presque l'énergie toute croyante du propriétaire, peut-être pas si vieux, peut-être pas si loin, mais très certainement appauvri de son legs. Les tibétains vendent tout, leur vêtements, leurs objets, leur religion, et même leur cause dans leur fuite désespérée.

Les monastères ont-ils été pillés par leur fidèles mêmes ? Plutôt que de laisser aller au feu chinois ou à l'oubli ? Trouvèrent-ils là une manière toute capitaliste de faire survivre le message en le laissant aux mains de voyageurs de tous horizons plutôt qu'a l'envahisseur venu de l' Est ?

Si l'on devait renaître chien ou chat, les bouddhistes pensent qu'il vaut bien mieux se retrouver dans une famille européenne qu'autre part en Asie ou en Afrique, ceci faisant à cette mauvaise renaissance une circonstance atténuante eu égard aux soins et à l'attention qu'on recevrait. " Savez-vous qu'ils ont même des docteurs pour animaux et des aliments spécialement conçus pour eux? Ils font partie de la famille. Parfois les chiens ont un manteau en hiver..." racontait Rimpotché à ses moines durant notre enseignement. Peut-être ainsi pensent-ils que c'est moins terrible pour leurs objets sacrés de terminer sur une étagère design dans nos salons que dans une poubelle à Bejing...?

On éprouve une grande joie à descendre écouter les paroles du Maitre "Ocean de Sagesse Infinie" Tenzin Gyatso sur un chemin coloré de bon matin (à dire vrai, on a jamais trouvé meilleure raison de se lever si tôt, et ceux qui me connaissent savent...) et, du même coup, une vraie tristesse devant l'irrémédiable, déjà vendu, décomposé passé de ce peuple lumineux.

C'est la fin des Indiens d'Amérique, c'est l'extra-ordinaire mis en réserves, c'est la lumière sous plexiglas, celui en bulle avec la neige...J'hésite en fait entre deux possibilités : me sentir chanceuse de voir de mes yeux propres, ou me sentir comme une texane-fière-de-l'être en week-end à Dysney-land...

La foule multicolore se presse au Gate d'entrée du Tsu-Lha-Khang, moines, nonnes, laïques, fervents et curieux tous confondus. Les robes pourpres se distinguent des tee-shirts occidentaux, les tibétaines elles sont sur leur 31 en habit traditionnel : chemisier de soie ou robe longue de soie aussi, et tablier tissé si elles sont mariées. Les cheveux longs noir de geai attachés souplement dans la nuque, un enfant dans le dos et les vieux parents devant, car ici on vient en famille. Tous armés de coussins ou de nattes pour s'asseoir de longues heures durant, un mala (chapelet de 108 perles) égrainé déjà en chemin, et un mini-récépteur FM pour les étrangers. A droite du Temple de Kalachakra, le Namgyal Temple abrite une statue de Bouddha haute de trois mètres, une reproduction aussi de cette fameuse statue du Bouddha de la Compassion -Avalotikeshvara- à 11 têtes du temple du Jokhang à Lhassa -oui bien celle devant qui des millions de dévots se sont prosternés depuis plus de 900 ans, oui bien celle-là, toute d'argent et de pierres précieuses, hautement symbolique parmi les premières -et pour cause- à avoir été jetée à la rue en bas du Potala et piétinée puis brûlée par les hommes du gouvernement chinois en 1959. Il n'en reste qu'une photo littéralement adorée comme une icône et cette reproduction la plus fidèle possible, élaborée des mains de moines tibétains, cela va de soi.

Nous sommes des centaines, 90% de locaux, assis autour en dehors du temple qui ne contiendra que quelques moines et le groupe dont la requête est à l'origine de cet enseignement, cette-fois ci des coréens. Le temple est ouvert entièrement et tout l'espace autour couvert en dur pour ces occasions assez fréquentes ici, à Dharamsala. Les lay-people ou non-religieux tibétains et indiens parfois venus de loin, s'organisent un peu plus bas dans le jardin, pouvant ainsi à la fois écouter et laisser jouer les enfants, parfois s'allonger à l'ombre. Un écran géant est installé en bas, des hauts-parleurs feront entendre les paroles de Sa Sainteté à tout le monde aux abords. Les étrangers sont bien lotis, je n'en suis plus surprise, la faveur étant faite à ceux qui viennent de loin et moins souvent. L'élégance de ce genre de manières est subtile mais bien présente ici. Je suis donc en haut, parmi les anglophones, non loin des vietnamiens ou des indonésiens. Je peux voir Le Dalaï-Lama en chair et en os même d'où je suis, si peu loin et si facilement que c'en est encore plus irréel. Dans ces moments je vous jure qu'on croirait à la lévitation !

La foule se presse et pourtant sans trop de bruit, sans bousculade.  Notre Maître à tous, lui, arrive carrément sans tambours ni trompettes, ni même trompes ou conques tibétaines. "Il a horreur du protocole" dit-on. On doit de plus ne pas se lever et ne pas se prosterner, en tout cas pas tout de suite, et ceci aussi de façon à ce que tout le monde puisse voir. Et comme à l'accoutumée avec les tibétains, il faut s'attendre à presque tout, y compris accueillir leur plus grand homme assis par terre et puis c'est tout. Pas de chichi.

Comme de tradition, l'enseignement commence avec une longue introduction qui nous tiendra en haleine toute la première matinée, introduction au texte, au bouddhisme, à la vie en général, avec une pointe d'actualité toujours pertinente. Sa Sainteté rit fort à ses propres jeux de mots, et nous de reprendre en coeur. Sa voix emplit l'espace dans toutes les directions, son énergie se fait solide tant elle est palpable. La fascination est collective et totale, au temps présent, très simplement, comme des jeunes dans une classe avec un prof génial. La matinée nous semble une heure, nous partageons à plusieurs centaines et avec Lui, en un temps record une offrande de thé au beurre  salé et du pain tibétain que les moines désignés nous distribuent à tous les étages. Un franc et sonore "Well, time for lunch is my conclusion for this morning !", avec son rire dans les basses encore, nous invite à nous disperser et redescendre sur terre. Il y a des tas de gens autour pour me pincer si je veux, mais ce n'est pas un rêve et se lever est difficile !

Publié dans voyage

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N
<br /> En ces moments de pluie et de fraîcheur; tes lectures enluminent à chaque fois mon bureau.<br /> Que dire, merci !!!<br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Tok Dje Tche ma chere Nath, merci tibetain de ta fidelite au poste ! je fais de mon mieux pour vous garder pres de moi !<br /> <br /> <br /> <br />